
Divorce : droit de l’ex-épouse à une pension alimentaire en cas de mariage de moins de 5 ans (couple sans enfants) ?
Après 3 ans de mariage, Sophie veut aujourd’hui divorcer de Julien. Jeunes, ils n’ont pas d’enfants et sont tous deux actifs professionnellement.
Si Julien accepte de déposer prochainement une requête conjointe de divorce, Sophie aura-t-elle droit à une contribution d’entretien après divorce ?
Réponse
Il importe d’observer tout d’abord que le couple n’a pas d’enfants. Par ailleurs, le mariage n’a duré que 3 ans et est donc un mariage de courte durée : on admet jusqu’à preuve du contraire qu’il n’a pas influencé concrètement la situation financière des conjoints. En l’espèce, Sophie ne paraît pas avoir sacrifié sa carrière au mariage. Dès lors, Sophie ne pourra en principe pas prétendre au versement d’une contribution d’entretien par Julien même si elle réalise un revenu inférieur à Julien.
Sophie aurait droit à une rente à titre exceptionnel, et notamment, en l’absence d’enfants, si, confiante dans leur mariage, elle avait cessé de travailler pour se consacrer à l’entretien du ménage et au bien-être de Julien. Dans ce dernier cas, la contribution d’entretien que Julien pourrait devoir lui verser serait d’une durée brève à très brève, le temps de permettre à Sophie de retrouver du travail.
Pour en savoir plus (sources & règles applicables en droit suisse)
Sur les règles générales en matière de fixation de contribution d’entretien après divorce, voir 1. Rente ex-femme : un droit ?
En principe un mariage court n’influence pas la vie des conjoints
Selon la jurisprudence, il faut considérer en général qu’un mariage, dont la durée a été inférieure à cinq ans, n’a pas eu d’impact décisif sur les conjoints.
Exceptions dans lesquelles une contribution d’entretien est due
La jurisprudence retient toutefois qu’il y a une influence concrète lorsque, indépendamment de la durée du mariage, le couple a eu des enfants communs ou encore en cas de déracinement culturel. Dans ces cas, on admet que la confiance dans la continuation du mariage et dans le maintien de la répartition des rôles convenue librement par les parties mérite objectivement d’être protégée. Si la confiance dans le maintien de la situation créée par le mariage ne mérite pas protection au sens de la jurisprudence précitée, le juge doit examiner dans quelle mesure l’époux concerné peut exercer une activité lucrative, compte tenu de son âge, de son état de santé et de sa formation. Voir TF, 5A_649/2009, consid. 3.2.2 , en cas de mesures protectrices de l’union conjugale mais en application par analogie de l’Art. 125 E. Entretien après le divorce / I. Conditions.
La jurisprudence retient en outre que, indépendamment de sa durée, un mariage influence concrètement la situation des époux lorsque l’un des époux peut se prévaloir d’une position de confiance en raison de circonstances très particulières, par exemple lorsque l’un des conjoints a financé les études de l’autre pendant la durée du mariage. La jurisprudence considère comme justifié que le conjoint qui a participé aux frais de formation bénéficie des perspectives de gain supérieures de son conjoint.
Enfin, le conjoint qui tombe malade pendant le mariage pourra selon toute vraisemblance obtenir une contribution d’entretien même si le mariage est court. Toutefois, si le conjoint était déjà atteint dans sa santé avant le mariage, il ne pourra prétendre à une contribution d’entretien de ce fait.
Dans tous ces cas, exceptionnels, un mariage court sera considéré comme ayant influencé concrètement la situation des conjoints : une contribution d’entretien sera due au conjoint dont le mariage aura limité l’indépendance financière, le plus souvent l’ex-épouse. La pension alimentaire sera toutefois limitée à quelques années et réduite progressivement, dans la mesure où l’ex-femme devra retrouver rapidement son autonomie.
Si une contribution d’entretien est refusée, un court délai d’adaptation doit être accordé
Lorsque le mariage n’est pas considéré comme ayant influencé concrètement la situation des époux et qu’on exige dès lors de l’ex-épouse qu’elle reprenne une activité lucrative, il faut lui accorder un délai d’adaptation approprié: elle doit en effet avoir suffisamment de temps pour s’adapter à la nouvelle situation, notamment lorsqu’elle doit trouver un emploi. Ce délai doit par ailleurs être fixé en fonction des circonstances concrètes du cas particulier.
Voir TF, 5A_649/2009, consid. 3.2.2 , en cas de mesures protectrices de l’union conjugale mais en application par analogie de l’Art. 125 E. Entretien après le divorce / I. Conditions.
Dans le cas où il s’agit d’accorder uniquement un délai d’adaptation à l’ex-femme (le plus souvent) mais de lui refuser une contribution d’entretien, un soutien financier très bref lui sera alors accordé par l’ex-mari, au titre de la solidarité découlant du mariage.