
En cas de divorce, le conjoint non locataire peut-il obtenir le logement familial ?
En cas de divorce, Béatrice pourra-t-elle revendiquer l’appartement conjugal dont Yves est seul locataire ?
Le couple n’a pas d’enfant.
Réponse
Divorce à l’amiable entre Béatrice et Yves avec accord sur le logement conjugal
Béatrice et Yves peuvent passer une convention sur les effets du divorce qui règlera l’attribution du logement familial à l’un ou à l’autre conjoint dans le cadre d’un divorce à l’amiable.
Pour un modèle de convention sur les effets du divorce, voir Modèles >> Divorce.
Divorce unilatéral (ou avec un accord partiel qui ne porte pas sur le logement conjugal)
S’ils ne le font pas, c’est le juge du divorce qui devra trancher : il procédera à une pesée des intérêts respectifs de chaque conjoint, c’est-à-dire décidera quel conjoint aura le plus grand intérêt à garder l’appartement conjugal. Béatrice devra prouver qu’elle a un plus grand intérêt qu’Yves à garder le domicile conjugal dans la mesure où le couple n’a pas d’enfant. Cela dit, au cas où Béatrice et Yves ont déjà vécus séparés avant le divorce, le juge des mesures protectrices de l’union conjugale a peut-être déjà attribué à Béatrice l’appartement conjugal pendant la séparation durant le mariage. Si c’est le cas, Béatrice pourra se prévaloir de l’avantage à conserver la situation actuelle, Yves vivant déjà ailleurs. Le fait qu’Yves soit actuellement locataire n’empêchera pas le juge du divorce de pouvoir transférer le bail à Béatrice, s’il le juge bon. Le bailleur devra alors accepter ce changement de locataire.
Pour sa part, Yves pourra contester s’il y a lieu la capacité de Béatrice d’assumer seule le loyer.
Au surplus, Béatrice et Yves pourront tous deux réclamer l’appartement conjugal en faisant valoir qu’ils ont des intérêts particuliers d’ordre affectif ou pratique.
Pour en savoir plus (sources & règles applicables en droit suisse)
Le droit du juge d’attribuer le contrat de bail à l’un des époux
Aux termes de la loi, lorsque la présence d’enfants ou d’autres motifs importants le justifient, le juge peut attribuer à l’un des époux les droits et les obligations qui résultent du contrat de bail portant sur le logement de la famille, pour autant que cette décision puisse raisonnablement être imposée à l’autre conjoint. L’époux qui n’est plus locataire répond solidairement du loyer jusqu’à l’expiration du bail ou jusqu’au terme de congé prévu par le contrat ou la loi, mais dans tous les cas pour deux ans au plus. Lorsque sa responsabilité a été engagée pour le paiement du loyer, il peut compenser le montant versé avec la contribution d’entretien due à son conjoint, par acomptes limités au montant du loyer mensuel. Voir Art. 121 C. Logement de la famille.
La solidarité est un terme juridique qui signifie que plusieurs débiteurs répondent conjointement d’une même dette, le créancier pouvant demander à l’un ou à l’autre débiteur le paiement.
Critères d’attribution de la maison ou de l’appartement familial
L’intérêt des enfants
Parmi les motifs qui peuvent justifier l’attribution du logement familial au mari ou à la femme, c’est prioritairement l’intérêt des enfants de pouvoir maintenir leur cadre de vie, à un moment de leur existence où ils se trouvent séparés d’un de leurs parents qui doit être pris en considération. Ainsi, l’appartement sera attribué à la femme qui aura la garde des enfants.
La situation personnelle de l’époux qui demande le logement
Mais l’époux qui demande l’attribution du logement familial sera aussi admis à faire valoir un intérêt propre tenant à sa situation personnelle (appartement adapté à son invalidité ou se trouvant là où il a ses racines) ou professionnelle (atelier artisanal dans le logement familial ou à proximité).
La situation personnelle de l’autre époux
Le juge est également tenu de prendre en considération l’intérêt du conjoint du demandeur, c’est-à-dire l’intérêt de celui des conjoints qui risque de perdre ses droits sur le logement familial, tout en continuant, le cas échéant, à devoir répondre du paiement du loyer pendant une certaine durée. Ainsi, pour fonder son opposition à la demande d’attribution, ce conjoint pourra lui aussi avancer des motifs personnels ou professionnels, justifiant l’attribution du logement familial. Il pourra aussi faire valoir qu’il a la volonté d’y créer un nouveau foyer ou encore que le loyer est excessif au regard de la situation économique du demandeur, notamment des revenus que ce dernier réalise et de la contribution d’entretien prévue.
Le juge décide librement
Le juge du divorce décidera à qui attribuer le logement familial sur la base des circonstances et compte tenu de son pouvoir d’appréciation. En pratique, l’attribution à un époux de la jouissance exclusive du logement – et souvent de la garde des enfants – en cas de suspension de la vie commune dans le cadre des mesures protectrices de l’union conjugale ou des mesures provisoires pendant la procédure de divorce influera sur la décision du juge du divorce. L’époux bénéficiaire invoquera en effet l’intérêt prépondérant à conserver une solution qui s’inscrit dans la continuité.
En cas d’attribution du logement familial par le juge, l’autre époux reste tenu par le bail
Par l’attribution du logement familial, l’époux bénéficiaire devient locataire en lieu et place de son conjoint et en cas de bail commun, il en devient le seul locataire. Toutefois, selon la loi et comme déjà signalé, l’époux qui n’est plus locataire, par exemple l’ex mari, pourrait devoir continuer à payer le loyer jusqu’à l’expiration du bail ou jusqu’au terme de congé prévu par le contrat ou la loi, mais dans tous les cas pour deux ans au plus. Si l’ex mari qui n’est plus locataire devait vraiment continuer à payer le loyer à la place de son ex-femme devenue nouvelle locataire, il pourrait demander à ce que cela soit déduit de la contribution entretien qu’il doit verser à son ex-épouse.
Lien utile
Sur l’interprétation de l’art. 121 CC, voir Message du Conseil fédéral relatif au Droit du divorce du 15 novembre 1995, p. 98 ss. (PDF)