Peut-on revenir sur l’accord passé avec son conjoint ?
La règle générale : les contrats sont faits pour être respectés
En général, selon un principe sacro-saint du droit, les parties sont liées par le contrat conclu entre elles et ne peuvent donc revenir sur la parole donnée.
Toutefois, en cas de vice du consentement, savoir si le conjoint a été victime d’une erreur essentielle, d’une tromperie (d’un dol) ou d’une menace (d’une crainte fondée), le conjoint victime peut déclarer à l’autre conjoint sa résolution de ne pas maintenir le contrat dans le délai d’une année dès que l’erreur ou le dol été découvert, ou dès que la crainte s’est dissipée. Voir Art. 31 F. Vices du consentement / IV. Vice du consentement couvert par la ratification du contrat. Dans la mesure où les vices du consentement représentent une exception au principe de l’effet obligatoire des contrats, et sans vouloir s’arrêter ici en détail sur les conditions auxquelles un vice du consentement peut être admis, tout conjoint sera bien inspiré de partir du principe qu’il ne peut revenir sur la convention conclue avec l’autre conjoint et fera donc bien de mûrement réfléchir à la convention qui lui est proposée.
En cas de divorce à l’amiable : on peut revenir sur une convention tant qu’elle n’est pas approuvée par le juge
Si la convention sur les effets accessoires a été conclue et produite avec une requête commune en divorce, elle est librement révocable, contrairement à la règle générale sur le respect des contrats (cela tant que le juge n’a pas ratifié la convention ), voir TF, 5A_683/2014, consid. 2.1.
La ratification par le juge d’une convention sur les effets accessoires du divorce a pour conséquence que cet accord cesse de relever du droit privé des contrats et devient partie intégrante du jugement de divorce, voir TF, 5A_721/2012, consid. 3.2.1. Cela signifie qu’après approbation de la convention par le juge, le conjoint qui voudrait revenir sur la convention devra recourir contre le jugement et tenter de faire valoir qu’il a été victime d’une erreur essentielle, d’une tromperie (d’un dol) ou d’une menace (d’une crainte fondée), selon les principes généraux exposés plus haut ou encore de soutenir qu’elle est manifestement inéquitable.
En cas de divorce unilatéral : on ne peut pas revenir librement sur une convention conclue en cours de procédure
Si la femme ou le mari introduit seul une action au divorce contre son conjoint, et que lors de la procédure, les époux viennent à conclure une convention sur les effets du divorce, cette convention ne pourra plus être librement révoquée par l’un des conjoints. Le conjoint qui conteste la convention pourra seulement demander au juge de ne pas ratifier la convention. Voir TF, 5A_683/2014, consid. 2.1.
Le conjoint qui souhaite revenir sur une convention conclue dans le cadre d’une procédure unilatérale devra faire valoir qu’il a été victime d’une erreur essentielle, d’une tromperie (d’un dol) ou d’une menace (d’une crainte fondée), selon les principes généraux exposés plus haut. Il pourra aussi faire valoir qu’elle est manifestement inéquitable et qu’elle ne peut pas être approuvée par le juge.
En cas de séparation: peut-on revenir librement sur une convention conclue en cours de procédure de séparation ?
Dans un arrêt publié en allemand, le Tribunal fédéral rappelle que les époux peuvent passer aussi une convention sur l’entretien dans le cadre d’une séparation par devant le juge des mesures protectrices de l’union conjugale, mais si le débiteur de l’entretien consent à conclure une convention comme le lui suggère le juge fondée sur le pronostic que son salaire sera par ex. à l’avenir de 4’600 fr., il ne pourra en principe pas obtenir par la suite une modifications de la rente s’il gagne seulement 4’000 fr. D’ailleurs dans ce cas l’époux débiteur ne s’était pas prévalu d’une erreur essentielle, voir Arrêt du Tribunal fédéral, A_842/2015, du 26 mai 2016 (all.), consid. 2.6.2.
Le juge peut vous protéger contre une convention inéquitable mais pas nécessairement
Quant au rôle du juge,il convient de distinguer :
- dans le cadre d’une séparation de fait ou sur mesures protectrices de l’union conjugale, le juge n’est pas tenu de ratifier la convention conclue entre les parties sur les effets de la séparation.
Vous gardez ainsi l’entière responsabilité et l’entière liberté de conclure une convention qui respecte vos droits et vos intérêts, à charge pour votre conjoint de défendre lui aussi sa position;
- en revanche, s’il s’agit d’une convention sur les effets du divorce (ou de la séparation de corps), le juge doit ratifier la convention, sans que cela ne doive vous affranchir entièrement de vos responsabilités et vous priver de votre liberté d’aménager la convention en accord avec votre conjoint (à ce sujet, voir Convention à l’amiable).
Cela étant, s’agissant de la convention sur les effets du divorce et aux termes de la loi, le tribunal ratifie la convention sur les effets du divorce après s’être assuré que les époux l’ont conclue après mûre réflexion et de leur plein gré, qu’elle est claire et complète et qu’elle n’est pas manifestement inéquitable; les dispositions relatives à la prévoyance professionnelle sont réservées.
La convention n’est valable qu’une fois ratifiée par le tribunal. Elle doit figurer dans le dispositif de la décision. Voir Art. 279 Ratification de la convention.
Si, après avoir entendu les époux – au besoin au cours de séances multiples –, le juge n’est pas convaincu que c’est de leur plein gré et après mûre réflexion qu’ils ont déposé leur requête en divorce et conclu la convention, il doit rejeter la requête en divorce, la question se posant toutefois de savoir s’il peut inviter les parties à se concerter à nouveau pour déposer une convention modifiée tenant compte des commentaires du juge, ce qui paraît souhaitable. À noter que l’ancien art. 113 CC prévoyait que lorsque le juge décide que les conditions du divorce sur requête commune ne sont pas remplies, il impartit à chaque époux un délai pour remplacer la requête par une demande unilatérale. Cette disposition a été abrogée lors de l’entrée en vigueur du Code de procédure civile fédérale au 1er janvier 2011.
Ainsi, dans le cadre d’une procédure de divorce (ou de séparation de corps), si un conjoint entend revenir sur la convention qu’il a conclue, il pourra tenter de faire valoir que cette convention a été passée trop rapidement, alors qu’il se trouvait sous pression ou encore fragile psychologiquement. Au surplus, le conjoint qui entend remettre en cause la convention conclue pourra toujours l’invalider pour vice de consentement, le tribunal devant ensuite le cas échéant examiner le bien-fondé de cette invalidation. Pour un exemple dans lequel l’épouse a invalidé des conventions pour cause de vice du consentement, le tribunal ayant pour sa part déclaré ces conventions comme inéquitables, voir arrêt du Tribunal fédéral 5C.163/2006 let. A et consid. 6.2.