
Durant le mariage, un conjoint lassé peut-il cesser la vie commune et quitter le domicile familial ?
Hélène et Jean-Pierre sont colocataires et vivent dans un superbe appartement. Couple moderne, Hélène réalise le revenu du couple et Jean-Pierre s’occupe des enfants.
Si Hélène, lasse de sa vie de couple, souhaite cesser la vie commune et abandonner sa famille pour changer de vie, comment juger de l’attribution de l’appartement familial ?
Réponse
Droit de Jean-Pierre de saisir le juge
Hélène viole son devoir de fidélité et d’assistance en abandonnant sa famille.
Au besoin, Jean-Pierre pourra dès lors saisir le juge des mesures protectrices de l’union conjugale et demander:
- l’attribution de l’appartement ou de la maison familiale (au cas où Hélène reviendrait sur son choix et voudrait le bel appartement pour elle seule) ;
- le paiement du loyer par Hélène conformément à la répartition des tâches décidée d’un commun accord ;
- le versement d’une contribution d’entretien pour lui et les enfants.
À noter qu’Hélène pourra déduire le montant du loyer de la contribution d’entretien qu’elle devra verser à Jean-Pierre.
Au sujet du droit de Jean-Pierre de saisir le juge des mesures protectrices de l’union conjugale, voir Quels choix ? >> Alternatives au divorce >> Protéger l’union conjugale (séparation).
Droit d’Hélène de saisir le juge ?
Si Hélène voulait de son côté saisir le juge des mesures protectrices de l’union conjugale, il s’agirait tout d’abord de voir si elle y est autorisée. En effet, selon la loi, elle n’est pas objectivement en droit de cesser sans raison la vie commune et certains cantons n’admettent pas que le mari ou la femme qui abandonne sans raison la vie commune puisse demander des mesures protectrice de l’union conjugale.
Au cas où Hélène peut saisir le juge des mesures protectrices de l’union conjugale, il reste à voir comment le juge traitera ses demandes. Si jamais elle voulait l’appartement conjugal pour elle seule, Jean-Pierre pourrait faire valoir l’intérêt prépondérant des enfants à conserver leur cadre de vie (et son propre intérêt à rester dans le domicile conjugal). De même, si Jean-Pierre entend obtenir la garde des enfants, le comportement contraire au bien de la famille d’Hélène sera un élément qui penchera en faveur de Jean-Pierre en cas de contestation à ce sujet.
Pour en savoir plus (sources & règles applicables en droit suisse)
Sur le droit de quitter la demeure conjugale voir 2. Fuir de la maison.
Pas de sanction directe en cas de cessation de la vie commune
L’époux qui cesse sans raison la vie commune viole son devoir vis-à-vis de son conjoint. Il n’existe pas de sanction directe à cette violation.
Sanctions indirectes ?
Cependant, il peut en résulter des conséquences indirectes. En effet, l’époux en faute ne peut demander à bénéficier des mesures protectrices de l’union conjugale, du moins selon certains auteurs ou certains cantons. Il ne pourra par exemple pas demander de contribution d’entretien, voir par exemple, canton de Fribourg.
En outre, s’ils sont saisis, le juge des mesures protectrices de l’union conjugale, ou plus tard le juge du divorce ou de la séparation de corps, devraient refuser d’attribuer le domicile conjugal à l’époux fautif et tenir aussi compte du comportement de cet époux lorsqu’il s’agira de trancher concernant la garde des enfants. À noter toutefois que selon d’autres courants, tout époux a le droit de requérir des mesures protectrices de l’union conjugale s’il a l’intention de cesser la vie commune en vue d’un divorce ultérieur, peu importe s’il viole ou non ses devoirs vis-à-vis de l’autre conjoint, voir à ce sujet l’arrêt non publié du Tribunal fédéral TF, 5A_318/2007, consid. 2.2.