2. Sort des acomptes versés au fisc

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En cas de séparation ou de divorce, quel conjoint peut réclamer les acomptes versés ?

Juliette et Xavier sont séparés de fait depuis le mois de novembre de l’année en cours. Xavier a payé seul les acomptes provisionnels à l’administration fiscale à hauteur de 20,000 fr.
Xavier peut-il exiger de l’administration qu’elle lui bonifie ou lui reverse à son seul profit les acomptes versés, à l’exclusion de Juliette ?


Réponse

Juliette a des revenus

L’administration fiscale devra tout d’abord déterminer si Juliette réalise des revenus entraînant son imposition.
Si Juliette est soumise à imposition, les acomptes seront probablement répartis par moitié sur les nouveaux comptes fiscaux séparés de chaque conjoint au cas où la séparation entraîne une imposition séparée.
De même, un éventuel remboursement des acomptes sera effectué par moitié à chacun des époux.
L’attribution des acomptes, respectivement leur éventuel remboursement, ne pourra être effectué autrement que si Xavier obtient le consentement de Juliette et présente une convention de répartition à l’administration fiscale de son canton dans le délai éventuellement prévu à cet effet.
À noter que si la répartition des acomptes, respectivement leur remboursement, intervient par moitié, Xavier disposera d’une créance contre Juliette pour avoir ainsi avancé durant l’année de la séparation les acomptes sur les impôts qu’elle devra régler personnellement. L’avance ainsi faite s’élèvera à la moitié des acomptes versés par Xavier, soit 10,000 fr., que Juliette devra rembourser à Xavier lors de la liquidation du régime matrimonial, notamment à l’occasion de la séparation de corps ou du divorce.


Juliette n’a pas de revenus

Dans le cas où Juliette ne serait pas imposable, Xavier pourra demander à l’administration fiscale l’attribution de l’intégralité des acomptes qu’il a financés et, au cas où il aurait payé trop d’acomptes par rapport aux montants d’impôt qu’il doit verser, en demander le remboursement. Il se fondera sur la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue en rapport avec les acomptes versés pour l’impôt fédéral direct.


Pour en savoir plus (sources & règles applicables en droit suisse)

La question de l’attribution des acomptes à l’un ou l’autre conjoint se pose en cas d’imposition séparée.
L’imposition séparée des époux intervient en cas de séparation, voir Effets de la séparation >> Se séparer: et les impôts ? >> 1. Impact de la séparation ou de divorce, voir Effets du divorce >> Impôts et divorce >> 1. Impact du divorce.


Attribution des acomptes à l’un ou l’autre conjoint dans le cas de l’impôt fédéral direct

La loi fédérale sur l’impôt fédéral direct ne règle pas expressément la question de l’attribution des acomptes versés conjointement par les époux durant l’année où la vie commune a pris fin. En 2003, le Tribunal fédéral a considéré que la restitution des acomptes versés pour l’impôt fédéral direct au conjoint qui les avait financés était admissible lorsque la taxation finale de l’autre époux était de 0 franc (voir référence dans l’arrêt neuchâtelois ci-dessous). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral n’a cependant pas sanctionné, sur le principe, d’autres modes de répartition schématique, notamment celui par moitié.
Dans un arrêt subséquent, le Tribunal fédéral a semble-t-il confirmé implicitement la répartition des acomptes par moitié, en considérant que le sort des acomptes versés par un des conjoints (pour l’IFD) relevait de la liquidation du régime matrimonial, voir TF, 2A.353/2006, consid. 5.2 et 6.2.


Attribution des acomptes à l’un ou l’autre conjoint dans le cas des impôts cantonaux

Certaines législations cantonales prévoient explicitement qu’en cas de divorce ou de séparation durable les acomptes versés conjointement par les époux sont crédités par moitié sur le compte de chaque époux.
Voir par ex. pour le canton de Neuchâtel, l’article 237 al.2 de la loi sur les contributions directes (LCdir).

En 2008, la Cour de droit public du canton de Neuchâtel a considéré que le conjoint qui a financé les acomptes ne paye pas deux fois l’impôt pour lui-même mais avance une part d’impôt due par son conjoint, en plus de sa part propre. Il dispose alors d’une créance en remboursement à l’endroit de l’autre qu’il peut faire valoir lors de la liquidation du régime matrimonial, notamment en raison du divorce, et cela quand bien même le divorce et la liquidation du régime matrimonial n’intervient pas immédiatement.
Voir Cour de droit public du canton de Neuchâtel, arrêt TA.2005.218-FISC/vb, du 29 juillet 2008.
Par ailleurs, plusieurs législations cantonales prévoient que lorsque des montants d’impôt perçus auprès des contribuables mariés doivent être remboursés après leur divorce ou leur séparation de droit ou de fait, le remboursement intervient par moitié à chacun des époux, étant cependant parfois précisé que les époux peuvent demander conjointement une autre clé de répartition dans le délai éventuellement prévu à cet effet.