En cas de divorce, le conjoint débiteur doit-il entamer son troisième pilier pour payer la contribution d’entretien de l’ex-épouse ?
Rose et Lucien sont mariés depuis 30 ans sous le régime de la séparation de biens, Rose s’étant occupée du ménage et des enfants. Aujourd’hui, Lucien, médecin indépendant, a accumulé une prévoyance vieillesse importante sous forme d’assurance-vie (3e pilier).
En cas de divorce, Rose pourra-t-elle exiger de Lucien qu’il puise sur son troisième pilier pour honorer la contribution d’entretien qu’il devra lui verser ?
Réponse
Le mariage de 30 ans a concrètement influencé la situation de Rose et Lucien. Lucien devra verser une contribution d’entretien à Rose, qui devra aussi servir à la constitution d’une prévoyance vieillesse appropriée. C’est d’autant plus vrai que Lucien n’a pas de deuxième pilier sujet à partage et que le régime matrimonial de la séparation de biens ne permettra pas à Rose de bénéficier du partage de l’épargne réalisée par Lucien sur la base des revenus de son travail.
Au besoin, Lucien devra entamer sa fortune pour pouvoir payer la contribution d’entretien de Rose, le montant de la contribution étant fixé généreusement de façon à permettre à celle-ci de continuer le train de vie adopté pendant le mariage.
Au sujet du partage du 2e pilier, voir Effets du divorce >> 2e pilier et divorce >> 1. Partage du 2 pilier (divorce).
Sur le régime matrimonial de la séparation de biens, voir Régimes matrimoniaux >> 3. Séparation de biens.
Pour en savoir plus (sources & règles applicables en droit suisse)
Sur les règles générales en matière de fixation de contribution d’entretien, voir 1. Entretien ex-épouse : un droit ?
Le mari doit entamer sa fortune pour payer la pension alimentaire seulement si la retraite de l’ex-femme n’est pas déjà assurée
Selon le Tribunal fédéral, le montant de la contribution d’entretien équitable dépend, entre autres composantes, de la fortune des époux, ainsi que des expectatives de l’assurance-vieillesse et survivants et de la prévoyance professionnelle ou d’autres formes de prévoyance privée ou publique, y compris le résultat prévisible du partage des prestations de sortie; cette dernière disposition vise, notamment les prétentions découlant d’une assurance sur la vie.
Le juge doit donc tout d’abord liquider le régime matrimonial, puis partager la prévoyance professionnelle acquise durant le mariage (2e pilier). Si chaque époux reçoit la moitié de l’épargne accumulée par l’autre dans le cadre de la liquidation du régime de la participation aux acquêts, l’égalité entre eux est garantie. Mais si, en raison du régime matrimonial qui a été choisi (par ex. séparation des biens), l’un des époux (par ex. le mari) conserve l’entier, ou une part supérieure à la moitié, de l’épargne destinée à la vieillesse du couple, cet époux doit entamer la substance de cette fortune pour contribuer à l’entretien convenable de son conjoint (par ex. la femme).
Quel bien devra vendre le mari pour payer la pension alimentaire ?
Dans le cas où le mari débiteur de l’entretien ne peut verser une pension alimentaire permettant d’assurer la prévoyance vieillesse de l’ex-épouse au moyen de ses revenus, il faut rechercher quelle est la fortune du mari. Suivant la fonction et la composition de la fortune des époux, on peut attendre du débiteur d’aliments (l’ex-mari) – comme du créancier (l’ex-épouse) – qu’il en entame la substance. En particulier, si la fortune a été accumulée dans un but de prévoyance pour les vieux jours, il est justifié de l’utiliser pour assurer l’entretien des époux après leur retraite.
En revanche, le mari ne devra pas vendre des biens lorsque :
- les biens patrimoniaux ne peuvent être facilement vendus,
- qu’ils ont été acquis par succession
- ou investis dans la maison d’habitation.
En outre, pour respecter le principe d’égalité entre les époux, on ne saurait exiger du mari qu’il entame sa fortune que si on impose à ex-épouse d’en faire autant, à moins qu’elle n’en soit dépourvu.
Lorsqu’un époux, indépendant, n’a pas constitué de deuxième pilier, il faut admettre que l’épargne privée vise essentiellement un but de prévoyance. Voir ATF 129 III 7, consid. 3.2.