7. Renseignements du juge suisse ?

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Le conjoint qui a ouvert action à l’étranger peut-il obtenir du juge suisse des renseignements sur les avoirs de l’autre conjoint en Suisse ?

Virginie vivant en France a ouvert action en divorce depuis plusieurs années devant un tribunal en France. Son mari Paul, domicilié en Suisse, refuse de donner toute information au sujet de ses avoirs de prévoyance professionnelle acquis en Suisse durant le mariage.
Virginie peut-elle requérir directement du tribunal suisse du domicile de Paul cette information ?
 

Réponse

Remarque préalable: Virginie ne peut plus divorcer en Suisse

Virginie ne pourra pas introduire action en divorce contre Paul auprès du tribunal suisse du domicile de celui-ci en raison du fait qu’elle a d’ores et déjà introduit une procédure en divorce en France auprès du juge de son domicile (litispendance).

 

Pas de renseignements directs du juge suisse pour Virginie

Virginie pourrait envisager d’adresser une requête au juge suisse pour obtenir des renseignements concernant les avoirs de prévoyance professionnelle de Paul acquis en Suisse en faisant valoir qu’il s’agirait d’une mesure provisoire nécessaire et urgente (ce qui autoriserait alors le juge suisse à se considérer comme compétent en dépit de l’action en divorce déjà introduite en France). Toutefois, la procédure de divorce étant introduite par Virginie en France depuis plusieurs années, la mesure provisoire sollicitée du juge suisse ne saurait être considérée comme urgente. Pareille mesure provisoire sollicitée directement du juge suisse ne saurait davantage être considérée comme nécessaire. En effet, Anne pourra selon toute vraisemblance obtenir les renseignements et les pièces qu’elle demande en s’adressant directement au juge français d’ores et déjà saisi du divorce.

 

Le juge français pourra demander des renseignements au juge suisse

Le juge français pourra donc demander la mesure provisoire sollicitée au juge suisse par la voie dite de la commission rogatoire, conformément à la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale.

 

Virginie devra faire reconnaître et exécuter le jugement français auprès du juge suisse du domicile de Paul

Si Virginie veut se prévaloir du jugement de divorce français en Suisse, elle devra demander la reconnaissance et l’exécution de ce jugement auprès d’un tribunal suisse, ce qui pourra être problématique (à ce sujet, voir 8. Reconnaissance d’un jugement étranger en Suisse).

 

Pour en savoir plus (sources & règles applicables en droit suisse)

En cas d’action à l’étranger, la compétence du juge suisse est parfois exclue

Selon le droit international privé suisse, applicable en raison des aspects internationaux du litige, les tribunaux suisses ne peuvent pas être saisis d’une action en justice qui fait déjà l’objet d‘une procédure à l’étranger ou plus précisément cette action risque d’être suspendue en raison de la litispendance (à ce sujet, voir 6. Action déjà introduite à l’étranger).

 

Les mesures provisoires peuvent être ordonnées par le juge suisse en cas d’urgence

Cela étant, les tribunaux (et autorités administratives) suisses peuvent, à titre exceptionnel, ordonner des mesures provisoires (temporaires), même si elles ne sont pas compétentes pour connaître du fond du litige s’il s’agit d’assurer, dans certaines circonstances, une protection immédiate et nécessaire. Lorsqu’un tribunal étranger est saisi du litige au fond, la compétence des autorités judiciaires ou administratives suisses n’existe donc que si les mesures requises sont urgentes et nécessaires, voir TF, 5C.7/2007, consid. 6.2.

 

Le juge étranger peut adresser une commission rogatoire au juge suisse

Indépendamment des mesures provisoires que pourrait prendre le juge suisse, le juge étranger peut saisir le juge suisse d’une demande en renseignements. En effet, selon la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale, l’autorité judiciaire d’un Etat contractant peut, conformément aux dispositions de sa législation, demander par commission rogatoire à l’autorité compétente d’un autre Etat contractant de faire tout acte d’instruction, ainsi que d’autres actes judiciaires. Voir Art. 1 al. 1 Convention.
Rappelons qu’une commission rogatoire est une délégation écrite et limitée par laquelle le juge charge un autre magistrat situé sur un autre territoire de procéder à sa place à un ou plusieurs actes qui sont de sa compétence mais auquel il ne peut directement procéder sur l’autre territoire.