Durant le mariage, un époux peut-il résilier le bail du logement familial sans l’accord de l’autre conjoint ?
Nadine et Jean-Louis occupent un appartement dont Jean-Louis est locataire. À la suite d’une violente dispute et sans autre forme de préavis, Jean-Louis veut quitter Nadine et résilier le bail du logement familial.
Le pourra-t-il ?
Réponse
Nadine bénéficie de la protection légale du logement familial : la résiliation du bail sans l’accord de Nadine sera nulle et sans effets quand bien même Jean-Louis est locataire de l’appartement. Cette protection perdure tant que Nadine ne quitte pas l’appartement. La protection ne prendrait fin que si le logement familial représentait soudain une charge financière insupportable ou encore si le juge des mesures protectrices de l’union conjugale attribuait l’appartement à Jean-Louis.
Si Nadine refuse son consentement à la résiliation du bail, il restera à Jean-Louis la possibilité de saisir le juge des mesures protectrices de l’union conjugale pour obtenir le consentement du juge en cas de refus injustifié de Nadine de consentir à la résiliation du bail, voir Quels choix ? >> Alternatives au divorce >> Protéger l’union conjugale (séparation).
Jean-Louis n’aura toutefois de chance d’aboutir dans sa démarche que s’il fait valoir un motif légitime, par exemple s’il démontre que le loyer n’est plus adapté aux circonstances financières du couple, ce qu’il restera à établir et sera au reste difficilement admis s’il est à l’origine de la rupture et qu’aucun motif objectif ne justifie sa décision.
Pour en savoir plus (sources & règles applicables en droit suisse)
Protection légale du bail familial
De par la loi, un époux ne peut, sans le consentement exprès de son conjoint, ni résilier le bail, ni aliéner la maison ou l’appartement familial, ni restreindre par d’autres actes juridiques les droits dont dépend le logement de la famille, voir Art. 169 H. Actes juridiques des époux / II. Logement de la famille.
La notion de logement de famille recouvre le lieu qui remplit la fonction de logement et de centre de vie de la famille. Seuls bénéficient de cette protection les époux mariés, avec ou sans enfants. Le caractère de logement familial subsiste tant que dure le mariage, même si les époux sont séparés de fait ou en instance de divorce. C’est précisément ce type de situation que vise la protection légale : il s’agit d’éviter qu’en cas de tensions conjugales ou par légèreté, l’époux titulaire des droits dont dépend le logement ne dispose unilatéralement de celui-ci, lorsque cela cause des difficultés injustifiées à son conjoint.
Pendant la protection légale, le conjoint qui veut résilier le bail peut saisir le juge
S’il n’est pas possible de recueillir le consentement du conjoint ou s’il est refusé sans motif légitime, l’époux intéressé peut en appeler au juge, voir Art. 169 H. Actes juridiques des époux / II. Logement de la famille. L’autorisation du juge remplace tout d’abord le consentement du conjoint s’il n’est pas possible au conjoint de donner son consentement, par exemple en raison d’une absence ou d’une maladie et cela pour des actes urgents. L’autorisation du juge remplace ensuite l’accord du conjoint si le refus du conjoint n’est pas légitime. Le conjoint refuse à tort (indûment) son consentement si l’acte envisagé ne le prive pas, lui et ses enfants, du logement occupé par la famille ou n’en restreint pas l’usage (la jouissance) d’une manière inacceptable. Le juge peut aussi lever le refus du conjoint si l’époux demandeur parvient à prouver que le maintien du logement familial n’est plus possible eu égard à la situation familiale et financière concrète.
Fin de la protection légale du bail familial
Selon la jurisprudence, la protection légale perd sa justification lorsque l’époux bénéficiaire de la protection a quitté définitivement ou pour une durée indéterminée le logement de la famille ou doit le quitter selon une convention entre époux ou sur ordre du juge et que l’on ne doit plus s’attendre à ce que les époux reprennent la vie commune dans le logement familial antérieur, voir ATF 136 III 257 consid. 2.1.
La protection légale cesse en outre ses effets si le logement familial ne peut être maintenu en raison des circonstances concrètes, comme le fait que le logement familial représente une charge financière désormais insupportable.