
En cas de vie séparée durant le mariage ou de liquidation du régime matrimonial par suite d’un divorce, les dettes sont-elles partagées ?
Pendant le mariage, Xavier s’est endetté à divers titres et envers divers créanciers.
Lucia doit-elle craindre des poursuites de créanciers de Xavier contre ses propres biens si le couple se sépare ou vient à divorcer ?
Réponse
Lucia devra en premier lieu vérifier à quel régime matrimonial son couple est soumis. Si Lucia et Xavier sont soumis au régime ordinaire de la participation aux acquêts ou à celui de la séparation de biens Lucia pourra en principe refuser d’assumer les dettes de Xavier dont elle n’aura pas à répondre personnellement sur ses propres biens.
Par exception à ce qui précède, Lucia devra:
- toujours assumer les dettes contractées par Xavier dans le cadre des besoins courants de l’union conjugale,
- répondre aussi des dettes résultants de contrats qu’elle aura cosignés avec Xavier,
- payer d’éventuels arriérés d’impôts nés pendant la vie commune, si la loi fiscale le prévoit et que le fisc vient lui les réclamer.
Dans ces trois derniers cas, elle pourra devoir payer les dettes contractées sur tous ses biens et à concurrence de l’entier de leur montant, quel que soit le régime matrimonial du couple. Cela veut dire qu’elle devra payer entièrement un créancier commun, qui pourra choisir de réclamer le paiement de sa créance à choix à Lucia ou Xavier (en droit on parle de solidarité). Si tel est le cas, elle pourra ensuite demander à Xavier de la rembourser à concurrence de la moitié de ce montant (une autre répartition est possible si elle a été convenue entre les époux) ou en proportion de la charge d’entretien de chaque époux s’il s’agit de l’entretien courant de la famille.
À noter enfin que même dans les cas où Lucia n’est en principe pas responsable des dettes de Xavier, elle pourrait encourir le risque d’une saisie de ses biens en cas de poursuites contre lui. Lucia pourrait tout d’abord, dans le cas où leur couple serait soumis au régime ordinaire de la participation aux acquêts, faire très éventuellement l’objet d’une saisie d’un créancier de Xavier, qui voudrait faire saisir la créance de Xavier contre elle au bénéfice des acquêts, si Xavier avait une telle créance.
Par ailleurs, quel que soit le régime (participation aux acquêts ou séparation de biens), un créancier pourrait faire saisir la moitié d’un bien appartenant à Lucia si elle ne peut pas prouver qu’elle en est propriétaire (la loi admettant alors que le bien appartient pour moitié aux deux conjoints).
Pour en savoir plus (sources & règles applicables en droit suisse)
Le principe: chaque conjoint est tenu par ses propres dettes et non par celles de son conjoint
Dettes sous le régime légal de la participation aux acquêts
Dans le régime légal de la participation aux acquêts, chaque époux répond de ses dettes sur tous ses biens. Voir Art. 202 C. Dettes envers les tiers.
En d’autres termes, les dettes personnelles d’un conjoint contractées pendant le mariage ne sont jamais partagées même en cas de vie séparée durant le mariage et cela aussi lorsque le régime matrimonial vient à être liquidé, au moment notamment du divorce. Les créanciers d’un époux ne peuvent poursuivre l’autre conjoint sur ses propres biens.
Dettes sous le régime de la séparation de biens
Dans le régime de la séparation de biens, chaque époux répond de ses dettes sur tous ses biens. Voir Art. 249 B. Dettes envers les tiers.
La responsabilité pour les dettes est-elle identique sous les deux régimes matrimoniaux précités ?
A priori, la situation existant sous le régime de la séparation de biens est identique à celle existant sous le régime ordinaire de la participation aux acquêts.
Toutefois, sous le régime ordinaire de la participation aux acquêts, un conjoint, par exemple la riche épouse d’un entrepreneur, pourrait devoir indirectement répondre sur ses propres biens des dettes de l’entrepreneur. Tel serait le cas si un créancier de l’entrepreneur obtenait dans le cadre d’une poursuite contre lui la saisie de la créance en participation au bénéfice des acquêts de l’entrepreneur contre sa femme. De même, si c’est l’entrepreneur qui est riche dans l’exemple précité, le créancier poursuivant de son épouse pourrait alors faire saisir la créance de celle-ci au bénéfice des acquêts de son mari.
À ce sujet voir Art. 95a b. Créances contre le conjoint ou le partenaire enregistré.
Cela étant, sous les deux régimes, un bien dont la propriété ne serait pas clairement établie pourrait être considéré comme appartenant pour moitié aux deux conjoints (voir Art. 200 IV. Preuve et Art. 248 II. Preuve ), ce qui permettrait alors aux créanciers de l’un des conjoints de faire saisir le bien appartenant en réalité à l’autre conjoint. Pour éviter ce risque, il convient d’établir clairement à quel conjoint appartient un bien, par exemple par le moyen d’un inventaire notarié (passé devant notaire).
Dettes sous le régime de la communauté de biens
Dans le cas où les époux sont soumis au régime de la communauté de biens, chaque époux répond sur ses biens propres et sur la moitié de la valeur des biens communs pour certaines dettes et même sur ses biens propres et sur l’intégralité des biens communs pour d’autres dettes. Voir Art. 233 C. Dettes envers les tiers / I. Dettes générales et Art. 234 C. Dettes envers les tiers / II. Dettes propres.
Les cas exceptionnels où mari et femmes répondent ensemble d’une même dette
Engagement commun par contrat
Quel que soit le régime adopté par les époux, il est cependant évident que si un conjoint s’oblige solidairement aux côtés de l’autre conjoint envers un créancier commun, il devra répondre au même titre que son époux envers le tiers créancier. Dans un tel cas, si le créancier réclame le remboursement de sa dette uniquement à l’un des époux, celui-ci pourra se retourner contre son conjoint pour obtenir le remboursement de la moitié du versement effectué (sur la notion de solidarité, voir Effets communs >> Propriété >> 6. Sort de maison achetée (hypothèque)).
Représentation du couple pour les besoins courants du ménage
Par ailleurs, il existe un cas où un conjoint devient débiteur sans avoir personnellement contracté d’obligation. Il s’agit des dettes contractées par le conjoint dans le cadre de la représentation de l’union conjugale (à ce sujet Effets communs >> Effets généraux du mariage >> 3. Engager par contrat son conjoint ?)
Responsabilité commune prévue par la loi
Enfin, selon les lois fiscales par exemple, les époux qui mènent vie commune répondent solidairement de par la loi des dettes d’impôt alors que s’ils se séparent, ils n’en répondront plus solidairement (voir Effets de la séparation >> Impôts et voir Effets communs >> Impôts >> 1. Impôts en retard).