
Un époux peut-il réclamer à son conjoint une indemnité pour participation extraordinaire à son entreprise ?
René a une entreprise de peinture aujourd’hui florissante. Parti de rien, René a pu compter sur le soutien constant de Marie-France. Pendant le mariage, elle s’est occupée des enfants et du ménage et a rempli sans rémunération la tâche de secrétaire au service de son mari plusieurs heures par jour disposant même d’un bureau à cet effet. Le couple est marié sous le régime matrimonial de la séparation de biens. Aujourd’hui, René veut demander le divorce.
Marie-France a-t-elle droit à une compensation pour le travail exercé dans l’entreprise de René ?
Réponse
Droit de Marie-France à demander une indemnité
Parti de rien, René a pu développer une entreprise florissante. En collaborant à l’entreprise de son mari, Marie-France a contribué à améliorer de manière significative la situation économique du ménage. Les conjoints s’étant mariés sous le régime de la séparation de biens, Marie-France ne pourra pas exiger le partage des avoirs acquis par René pendant le mariage.
Au sujet du régime matrimonial de la séparation de biens, voir Effets communs >> Régimes matrimoniaux >> 3. Séparation de biens.
Au vu de la régularité et de l’importance du travail accompli par Marie-France, compte tenu du fait qu’elle disposait d’un bureau et que ses tâches correspondaient à l’activité d’une secrétaire rémunérée, Marie-France a donc le droit de réclamer une indemnité équitable à titre de collaboration extraordinaire.
Si René prétend que Marie-France était d’accord de travailler gratuitement, il devrait prouver l’existence d’un tel accord, étant observé que même si l’aide de Marie-France à l’entreprise de son mari s’est imposée au début du mariage par souci de rentabilité ou de nécessité, ce qui est fréquent dans les petites entreprises, l’activité de Marie-France ne saurait pour ce seul motif être considérée comme gratuite.
Montant de l’indemnité à verser à Marie-France
Le juge appréciera au vu des circonstances le montant de l’indemnité.
À noter que si Marie-France a certes bénéficié au cours des années de l’amélioration du niveau de vie familial, dont René a d’ailleurs également profité, cela ne suffit pas à rétablir une situation équitable entre les époux. Il en sera toutefois tenu compte dans la fixation du montant accordé à titre d’indemnité équitable.
Pour en savoir plus (sources & règles applicables en droit suisse)
Pour avoir droit à une indemnité, il faut une contribution très importante aux charges du mariage et non rémunérée
Aux termes de la loi, l’époux qui a collaboré à la profession ou à l’entreprise de son conjoint dans une mesure notablement supérieure à ce qu’exige sa contribution à l’entretien de la famille a droit à une indemnité équitable.
Un époux ne peut élever ces prétentions lorsqu’il a fourni sa contribution extraordinaire en vertu d’un contrat de travail, de prêt ou de société ou en vertu d’un autre rapport juridique.
Voir Art. 165 E. Entretien de la famille / III. Contribution extraordinaire d’un époux.
En d’autres termes, si une femme par exemple n’est pas du tout rémunérée par son mari entrepreneur, elle aura droit à une indemnité. Si en revanche, elle reçoit un salaire et est employée de son mari en vertu d’un contrat de travail, elle ne pourra en principe pas prétendre à une indemnité même si elle a consacré beaucoup de temps à l’entreprise de son mari.
Selon le Tribunal fédéral, lorsqu’en l’absence de tout contrat de travail, l’aide fournie par l’un des époux dans l’entreprise de son conjoint dépasse ce que le devoir général d’assistance permet normalement d’exiger de lui, l’équité commande que cette collaboration accrue fasse l’objet d’une compensation pécuniaire. Seule une collaboration notablement supérieure à ce qu’exige la contribution à l’entretien de la famille donne le droit à une indemnité. (…) Une collaboration doit notamment être considérée comme notablement supérieure lorsque la participation de l’époux collaborant équivaut quasiment aux services d’un employé salarié. En raison des inconvénients que l’époux collaborant a pu subir du fait de sa participation, une indemnité est en particulier pleinement justifiée lorsque l’époux collaborant ne participe pas au bénéfice de son travail dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, ce qui est principalement le cas lorsque les époux sont séparés de biens. Quant à l’avantage que représente l’augmentation générale du niveau de vie engendrée par la collaboration, il ne s’agit pas d’un critère de nature à écarter le droit à l’indemnité, mais en revanche d’un élément dont il faut tenir compte dans la fixation du montant de celle-ci. Voir TF, 5A_642/2011, consid. 4.2.1.
Le juge statue en équité selon son pouvoir d’appréciation en se fondant sur les particularités importantes du cas qui lui est soumis.